Alimentation et cancer : conseils pour mieux vivre son alimentation

Alimentation et cancer : conseils pour mieux vivre son alimentation <em>(de Delphine Cudel)</em>
Pourquoi parler d’alimentation ?

La maladie et les traitements modifient les perceptions, les besoins nutritionnels et énergétiques. Il reste malgré tout important de conserver un bon apport alimentaire pour conserver une meilleure qualité de vie et améliorer la tolérance et l’efficacité des traitements.

Dans de nombreux cas de cancers les risques sont liés à la dénutrition d’origine protéino-énergétique et pour d’autres les traitements favorisent une prise de poids. Dans les deux cas, il faudra se pencher sur ses habitudes alimentaires afin de les adapter au mieux aux besoins et aux capacités de chacun.
 
En cas de dénutrition

La dénutrition est souvent installée avant le diagnostic de la maladie et si ce n’est pas le cas, elle est couramment considérée comme faisant partie de l’évolution du cancer.

Détermination de la dénutrition :
De nombreuses méthodes sont référencées, des méthodes anthropométriques et/ou biologiques.
Une méthode de mesure chez l’adulte prend en compte la perte de poids et la vitesse de perte de poids et définit la dénutrition si :
  • la perte de poids > à 5% en 1 mois
  • la perte de poids > à 10% en 6 mois
  
La dénutrition est causée par un déséquilibre au niveau de la balance énergétique :
  • la présence de la tumeur augmente les dépenses énergétiques journalières
  • les apports énergétiques sont réduits par perte d’appétit dus à la maladie et/ou aux interventions et/ou aux traitements (modification des goûts, désordre digestifs, malabsorption selon les lésions...)
Les conséquences cliniques de la dénutrition sont nombreuses : (1)
  • Retard de cicatrisation
  • Dépression du système immunitaire : infections plus fréquentes ; augmentation des infections nosocomiales
  • Diminution de la masse et de la force musculaire
  • Des atteintes neurologiques périphériques : troubles moteurs ; troubles sensitifs
  • Des atteintes neurologiques centrales et des fonctions intellectuelles : une irritabilité et une tendance dépressive
  • Des carences d’origine alimentaires associées en vitamines ou minéraux : fer, vit B12, vit D…
 
Et de manière générale une diminution de la qualité de vie due à la perte d’autonomie et à l’état dépressif.
 
Il est donc essentiel de conserver un bon état nutritionnel et maintenir son poids pour :
  • Une meilleure réponse des traitements
  • Diminuer les risques de complications postopératoires
  • Conserver une meilleure qualité de vie
L'objectif est de s'adapter aux différents symptômes pouvant subvenir au cours des traitements. Les conseils hygiéno-diététiques permettent de mieux gérer son alimentation et améliorer le vécu des repas. Les conseils généraux sont donc à adapter en fonction des ressentis de chacun. 

Mesures hygiéno-diététiques s’appliquant à tous pour limiter la perte de poids :
 
  • Conserver une alimentation variée et équilibrée.
  • Manger lentement, mastiquer.
  • Manger dans un lieu agréable, dans le calme, dans un environnement sans odeurs fortes (de cuisine, parfum, peinture…).
  • Fractionner les repas : au minimum 3 repas en petites quantités chaque jour, complétés par 2 à 3 collations (10h, goûter et en soirée).
  • Boire plutôt en dehors des repas par petits volumes.
  • Surveiller son hygiène dentaire.
  • Se reposer après les repas, en position semi assise. 
Mesures particulières en cas de perte de poids et d’appétit
  • Enrichir les préparations :
    • Protéines : poudre de lait, jambon, œuf, fromage
    • Énergie : crème, beurre, miel, fruits secs, biscuits
  • En cas de consommation de boissons, crèmes ou potages nutritifs enrichies, favoriser leur consommation en fin de repas ou 2 h avant ou après le repas.
  • Se peser régulièrement.
  • Conserver une activité physique pour se mettre en appétit 
Mesures en cas de nausées ou de vomissements
  • Fractionner les repas : consommer de petites portions alimentaires et ajouter des 2 à 3 collations.
  • Eviter les odeurs fortes, les aliments trop épicés. Aérer la pièce du repas.
  • Eviter les aliments trop gras, ou sucrés.
  • Servir les aliments tièdes ou froids qui sont moins odorants que les aliments chauds.
  • Boire plutôt entre les repas. 
En cas de mucite ou de dysphagie

La mucite est une inflammation de la muqueuse (pouvant atteindre la bouche, l'oesophage et l'ensemble du tube disgestif) liée aux traitements de chimio et radiothérapie.
La dysphagie est une gène à la déglution, et une difficulté à avaler les aliments solides et liquides.

Dans les 2 la marche à suivre est :
  • Eviter les aliments irritants (épicés, secs, durs, croquants…), les aliments trop chauds.
  • Adopter une alimentation de texture molle, pâteuse, voire liquide.
  • Préférer une alimentation tiède à froide.
  • Hydrater la bouche (par exemple sucer des glaçons). 
En cas de modifications du goût et de l'odorat
 
  • Accepter que les goûts sont modifiés et accepter de ne plus aimer les mêmes aliments : écouter vos envies et tester d’autres aliments ou d’autres modes de préparation.
  • Rincer votre bouche avant les repas.
  • Essayer différents assaisonnements, arômes pour rechercher ceux que vous percevez et appréciez. Penser à utiliser les aromates (ail, oignon, herbes de Provence, persil, ciboulette, estragon, menthe,…), les épices douces (cannelle, paprika, eau de fleur d’oranger,…)
  • En cas de goût métallique, éviter les ustensiles métalliques (casserole, cuillères…) pour la préparation, remplacer les plats désagréables (par exemple les viandes rouges par des viandes blanches ou des œufs).
  • En cas de goût amer, ajouter un peu de miel ou de fruits dans vos préparations (pomme, fruits secs, …).
  • Adapter les températures des plats en fonction du goût (les aliments tièdes ou froids sont moins odorants que les aliments chauds). 
En cas de sécheresse buccale
  • Boire peu mais fréquemment.
  • Humidifier ou mouiller les aliments (sauce).
  • Hydrater (sucer de la glace, brumisation, salive artificielle, jus avec les aliments).
  • Protéger les lèvres et muqueuses par application d'huile d'amande douce.
  • Installer un humidificateur d’atmosphère dans votre chambre. 
En cas de troubles de la déglutition
  • Adapter la texture (molle ou pâteuse) homogène : potages, purée, flan...
  • Eviter les aliments dispersibles et en petits morceaux : riz, semoule, carottes râpées...
  • Consommer des aliments bien chaud ou froid pour une meilleur perception.
  • Prendre son temps pour manger.
  • Veiller à une hydratation suffisante et adaptée (gélifiant, épaississant).
  • Se tenir la tête légèrement vers le bas pour déglutir 
En cas de diarrhée
 
  • Bien vous hydrater, pensez aux eaux salées
  • Adopter une alimentation pauvre en fibres :
    • Favoriser la consommation d’aliments « constipants » : riz blanc, banane, coing, pomme, carottes cuites.
    • Choisir des viandes et poissons maigres
    • Eviter les aliments riches en gras : Quiches, pizza, friands, pâtisseries grasses, feuilletés… ; laits entiers et fromages gras et fermentés (camembert, bleu..)
    • Eviter les fibres des pains complets et céréales complètes ; des légumes et fruits crus ; des légumes secs
  • Choisir des modes de cuisson sans matière grasse cuite : eau, vapeur, grill, papillote. 
En cas de constipation
 
  • Augmenter votre hydratation.
  • Augmenter l’apport en fibres :
    • consommer des céréales complètes (pain, riz...).
    • consommer des légumes secs (lentilles, pois cassés, pois chiche...).
    • consommer de fruits & légumes crus et cuits.
    • Penser aux pruneaux et fruits secs.
  • Augmenter l’activité physique.
En cas de prise de poids

Ce sont surtout certaines hormonothérapies qui engendrent une prise de poids et souvent la baisse d'activité associée.

Cette prise de poids augmente le risque de récidive, de second cancer, de mortalité liée au cancer initial et de mortalité toutes causes confondues. C'est pourquoi elle doit être évitée ou limitée. (4)

Il ne faut pas se lancer dans un régime restrictif mais adapter son alimentation à ses besoins :
  • 3 à 4 repas par jours.
  • Manger varié et équilibré.
  • Prendre le temps de manger.
  • Pas de grignotage entre les repas… mais une collation quand c’est nécessaire.
  • Eviter les sucres rapides et les produits trop gras.
  • Ajuster les quantités de légumes et de féculents en fonction de son appétit.
  • La seule boisson indispensable est l’eau. 
Pour vous aider n’hésitez pas à demander conseil à votre médecin ou prendre RDV avec un diététicien.

Sources :
(1) - PNNS dénutrition, une pathologie méconnue en société d’abondance
(2) - www.e-cancer.fr «Nutrition et prévention des cancers : des connaissances scientifiques aux recommandations»
(3) - www.ecole-de-la-denutrition.com
(4) - Réseau NACRe ( Réseau Alimentation Cancer Recherche)